Chaque mois, La maison de l’Afrique met en lumière et optimise le potentiel de la création africaine - en matière de mode et de lifestyle- sur les marchés extérieurs. Comment articuler les savoir-faire africains avec les tendances mode et décoration des marchés le plus porteurs? Comment les sublimer et re-créer des produits à même de séduire le plus grand nombre, via de nouveaux canaux de distribution, plus sélectifs, plus haut de gamme?
LES POTERIES AFRICAINES
C’est la nouvelle passion des fous de décoration: la céramique, les poteries et autres terres cuites sont devenues en quelques saisons une tendance phare, symptôme du besoin d’authenticité des nouvelles générations occidentales. Le ras-le-bol de la sur-industrialisation, le besoin de traçabilité (comme en mode, avec la « Fashion revolution » et sa fameuse question « Qui a fait mes vêtements? « ), la quête d’un produit qui évoque la terre, la nature, la main de l’Homme, le temps: le fait-main, qui peut permettre de nommer l’artisan, de l’inscrire dans une culture, de raconter une histoire - tout cela est dans l’air du temps. Et risque bien de durer... L’Afrique, dans ce contexte, a plus qu’une carte à jouer. Elle est au centre même de cette géographie de la décoration. Si le continent n’a pas le monopole de ces objets en terre et que beaucoup viennent aussi d’Asie ou d’Europe, bien des fournisseurs cependant viennent aussi d’Afrique - mais ce sont des voyageurs occidentaux, bien souvent, qui sont les intermédiaires et rapportent de jolies pièces qu’ils revendent chez eux. Il suffit de cliquer sur Instagram, d’ouvrir un magazine de décoration: les grands plats en terre cuite posés au centre d’une jolie table, les jarres, les bols, les tajines aux couleurs caramel.... peuplent les plus jolis intérieurs.
3 RAISONS POUR QUE LES PAYS AFRICAINS SURFENT SUR LA TENDANCE
1/ Nous avons un patrimoine exceptionnel en matière de terres cuites.
Le Burkina-Faso, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Rwanda... sans compter le Maroc, déjà connu pour sa filière liée à la terre (la vaisselle de Tamgrout est connue et plébiscitée dans le monde entier): bien des pays africains regorgent de traditions potières. Parfois, on les connaît en images, sans savoir exactement quels sont les procédés sophistiqués qui permettent le jeu des couleurs, les effets de matière. Qui sait, par exemple, que les poteries de Boundiali, en Côte d’Ivoire, aux jolis coloris ocres, orange, marron, sont teintées par des jets de jus de mangue? Faîtes quelques recherches pour découvrir l’étendue du potentiel africain: les poteries de Djenné et Mopti (Mali), de Katiola (Côte d’Ivoire), celles du pays Bassari (Sénégal), dans la région de Tambacounda, les terres cuites Lobi ou Gourounsi, celles du pays Bobo (Burkina-Faso), celles des Mangbetu (Congo) ou des Batwa (Rwanda): ce sont de véritables trésors et il existe beaucoup d’images sur internet. Regardez-les et si cela vous inspire, partez à la rencontre des potières - car ce sont souvent les femmes qui façonnent la terre. De nombreuses coopératives existent dans chaque pays. Si vous avez un projet, si elles vous inspirent, faites des tests avec elles et associez-vous.
2/ L’imparfait séduit.
L’un des problèmes majeurs que connaît la création artisanale africaine sur la scène occidentale, c’est que le fait-main ne permet pas toujours une reproduction à l’identique d’un modèle. Pour certains acheteurs professionnels occidentaux et pour la clientèle élitiste africaine, ce côté « variable » inhérent à l’artisanat et au fait-main a pu être un problème. Réjouissez-vous: c’est ce qui séduit aujourd’hui une bonne partie des amateurs de décoration. Vous vendez 6 assiettes mais elles ne sont pas toutes pareilles? C’est désormais leur valeur ajoutée. Vous avez des plats dont les mensurations varient, à l’examen, entre 15 et 19 centimètres parce que l’artisan avec lequel vous travaillez n’a pas pu faire autrement? Les bords sont irréguliers? Vos assiettes semblent presque dépareillées? Tant-mieux! Le fait-main est désormais votre argument majeur pour vendre ces produits. Ce qui leur donne même leur prix. Les acheteurs sont de plus en plus sensibles à ce discours. Il redonne un peu « d’humanité » à la consommation.
3/ Beaucoup reste à faire.
La pièce traditionnelle, aux formes et motifs ancestraux est très prisée. Son histoire lui donne une véritable valeur ajoutée. Mais il existe encore très peu de marques africaines en céramique, avec un positionnement haut de gamme. Quand il s’agit de vaisselle, beaucoup de marques africaines ont privilégié la porcelaine, la faience ou le grès. Les marques de terres cuites sont encore rares. Et c’est une tendance phare, qui a de beaux jours devant elle.
5 CONSEILS POUR OPTIMISER LES PATRIMOINES
1/ Privilégiez les formes utilitaires.
Parce que c’est le « fonctionnel » qui a le vent en poupe - c’est-à-dire, ce qui sert à quelque chose. Optez pour des choses simples - des bols, des coupes pour mettre les fruits, des assiettes, des mugs, un grand plat où les gens pourront aussi bien mettre le courrier qui est arrivé que des fruits ou encore un beau saladier. Un canari en terre aura moins de succès en Europe parce que les gens n’utilisent pas (ou pas encore) ce genre de cuisson. Les formes traditionnelles, comme les grandes jarres de Djenne ou de Katiola seront parfaites en décoration.
2/ Ré-inventez vos classiques.
Prenez les jarres du Niger, celles de l’ethnie Jerma, que l’on trouve particulièrement sur l’île Boubon, en face de Niamey. Aujourd’hui, ce sont des jarres sublimes. Ultra décoratives. Mais imaginez des petits gobelets, des mugs, des pots à crayon, des assiettes, des plats pour mettre au centre de la table à manger, avec les mêmes motifs: c’est donner à cet art séculaire une nouvelle vie, de nouveaux moyens d’exister. Et aussi offrir quelque chose de totalement nouveau à la clientèle, que son oeil n’aura jamais vu.
Avec tout le patrimoine potier du continent, il y a matière à développer de nombreuses nouveautés, qui puissent à la fois sublimer ces héritages sur la scène internationale mais aussi re-vivifier des secteurs et des filières qui stagnent, par manque de mise en valeur. Plus votre produit sera nouveau, différent et singulier, plus il sortira des filières traditionnelles de vente (marchés, boutiques artisanales) pour intégrer le circuit sélectif.
Dans beaucoup de cultures africaines, les motifs inscrits dans les poteries fonctionnelles, non pas peints mais « creusés » dans la terre, sont réalisés à partir d’éléments de l’environnement: des épis végétaux, des empreintes de filet, des brins de paille, des grains de riz... Sur les objets utilitaires, sans conséquences symboliques, vous pouvez déployer votre créativité et utiliser toutes sortes de nouveaux « outils » pour marquer vos poteries. Feuilles, graines, moules, vanneries, tissus, bijoux... Une idée: imaginez seulement les bijoux Akan, les pois pour la pesée de l’or, « inscrits » dans la terre...
3/ Osez les mélanges.
Pour cela, il vous faut consulter Instagram. Tapez les hashtags #céramique, #poterie, #terrecuite. Mélanges de matières, mélanges d’univers, mélanges de cultures. C’est LA grande tendance. Partez de vos propres artisanats et métissez-les. Osez un vernis sur une moitié d’assiette, avec un motif traditionnel. Tentez un motif imigongo du Rwanda (qui inspire beaucoup le design international), sur une assiette en terre marron foncé. Imaginez les bols de garba ivoiriens avec plus de motifs - des dessins d’animaux, inscrits dans la terre... Les couleurs naturelles , végétales et minérales (caramel, marron, vert, bleu indigo, gris charbon, noir, rouge, orange...) sont les plus plébiscitées. La page @love_ceramic sur Instagram est un puit d’inspiration, autant pour les formes que pour les couleurs. C’est une vraie photographie des tendances.
4/ Mettez de la culture dans vos créations.
Parce qu’avec le design, c’est la plus grande force d’un produit. Regardez le travail de la zimbabwéenne Marjorie Wallace. Avec son atelier, situé à Harare, elle a créé des motifs d’assiettes, de plats et de bols qui reproduisent artistiquement les dessins des vanneries dont le pays est un grand producteur. Son talent a été reconnu à l’international et elle a vendu dans de très nombreux pays. L’idée? Trouver un élément de votre culture ou d’une culture qui vous touche, ou même un élément plus personnel, familial, qui donnera à votre création son identité, qui va le singulariser. C’est en étant différent, en proposant des créations que l’on ne trouve pas partout que vous susciterez le plus l’attention. Le mot clé: c’est mixer le « familier » (ce que le client connaît, qui le rassure) et le « différent » (la petite touche qu’il n’a jamais vu et qui va lui permettre de raconter une histoire). Les cultures africaines regorgent de motifs: les animaux, les végétaux, les castes, les contes traditionnels peuvent aussi s’inscrire dans la terre.
Stars de la déco, les motifs géométriques noirs et blancs comme, en Afrique, les losanges et triangles des Gurunsi du Ghana et du Burkina-Faso. Ci-dessous, voyez comment des motifs traditionnels peuvent -être ré-interprétés de manière contemporaine dans la décoration.
5/ Soignez la mise en scène.
Souvent, en voyage dans les pays africains, les touristes se réjouissent de découvrir un produit au milieu d’un marché, parmi mille autres - comme si eux seuls l’avaient vu. Mais en boutique, il y a une règle: le client doit imaginer ce produit chez lui. Votre installation doit donc lui permettre de se projeter dans son propre intérieur. Une jolie table, un petit coin salon, une jolie nappe, mélangés à de vrais jolis verres, un petit vase avec des fleurs, des livres « comme à la maison »: tout cela va donner plus de valeur à votre produit. Il suffit parfois d’un petit rien pour qu’un même produit soit délaissé et l’autre adopté immédiatement. Et ce « petit rien », c’est souvent la mise en scène. Là encore, Instagram est une mine d’information et d’inspiration. Très vite, en « feuilletant » des centaines d’images digitales, vous allez saisir ce qui plaît, ce qui est à la mode, dans l’univers de la maison. Piquez des idées, mais n’oubliez pas: restez vous-même. Exemple: les poteries sont souvent mises en scène sur de belles tables en bois ou avec de beaux textiles anciens, épais, aux couleurs naturelles. Pourquoi? Parce que ça évoque la nature, la simplicité et que le brut = le pur (d’avant l’industrialisation qui nous pollue). Mais chez nous, en Afrique, nous avons tout ça: de beaux objets en bois (des tabourets Bamilekés qui peuvent se transformer en table basse, des chaises et lits Senoufo, des échelles Lobi ou Dogon...) , de beaux tissages en coton traditionnel. Inspirez-vous de ce qui marche, mais à la « sauce africaine ». C’est votre valeur ajoutée. Ne l’oubliez pas: le monde entier s’inspire de notre continent.
3 LIEUX A VOIR OU SITES A VISITER
1/ La boutique Empreintes à Paris
C'est la marketplace de référence pour les métiers d’art. On peut y découvrir les tendances en matière de poteries et céramiques - mais aussi de nombreux autres artisanats. Empreintes
5, rue de Picardie - 75003 Paris 3
Site: www.empreintes-paris.com
2/ Le profil instagram de @love_ceramic.
C’est une mine, une référence. En cliquant sur une image, vous découvrez l’univers d’un potier, d’une céramiste - et toute l’étendue des tendances dans ce domaine.
3/ Pinterest.
C’est là aussi un puit d’inspiration pour toute personne qui cherche des idées, des tendances, des directions de style, en matière de poterie. Tapez par exemple « poteries ethniques » + pinterest OU « poteries africaines » + pinterest. Cliquez sur une image, elle vous emmène sur une autre... C’est un voyage au pays des tendances.
Pour plus d'informations:
BURKINA FASO : http://www.ontb.bf
COTE D’IVOIRE : https://www.cotedivoiretourisme.ci/index.php/nos-regions-touristiques
RWANDA : https://www.visitrwanda.com
CREDITS PHOTOS:
Wikipedia, Pinterest, Georges Courreges, Trésors du Monde, Empreintes Paris, Afrikahandmade, designnetworkafrika.org, pestoune.kazeo.org, Afrique Times
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